Comment les oiseaux migrateurs se dirigent-ils ?

Oies en vol - photo de Christian Moullec

Oies en vol - photo de Christian Moullec

© International Polar Foundation

A bord d'Alcyon, le bateau qui a entrepris un voyage " de la Méditerranée au Spitzberg ", les biologistes se relaient pour identifier et compter les oiseaux qu'ils croisent. Parmi eux, de nombreux migrateurs. Eh oui : c'est le printemps et les oiseaux reviennent vers des zones à températures plus fraîches pour construire leur nid et faire leurs petits. Les oiseaux migrateurs font souvent des voyages incroyables et reviennent, année après année, au même endroit.

Des contes à dormir debout et des faits incroyables

Il y a plus de 2000 ans déjà, Artistote (384-322 av. J.-C.) avait découvert que certains oiseaux, comme les grues, migraient à l'automne. Par contre, pour d'autres oiseaux comme les hirondelles, il pensait qu'elles entraient dans une sorte de léthargie et se cachaient dans des creux ou cavités dont elles ne ressortaient qu'au printemps. Bref : pour lui l'hirondelle, la cigogne, le merle et l'alouette hibernaient ! (1)

Bien d'autres hypothèses délirantes ont été émises sur la migration des oiseaux : en 1703, un livre suggère que, comme les oiseaux ne peuvent traverser les océans, ils migrent chaque année vers la lune pour y passer l'hiver. Carl von Linné (1907-1977), lui, pensait que les hirondelles passaient l'hiver dans la vase des étangs !

Aujourd'hui on sait que beaucoup d'oiseaux se déplacent de manière cyclique et saisonnière, d'une aire d'hivernage à une aire de reproduction : près de 40% des espèces d'oiseaux terrestres qui vivent en Europe et en Asie sont des oiseaux migrateurs (3 à 4 milliards d'oiseaux quitteraient l'Europe en automne pour les pays chauds alors que d'autres arrivent des pays froids). On commence à connaître beaucoup de choses sur ces oiseaux et leur mode de vie. Mais loin d'avoir dépoétiser la migration des oiseaux, les études scientifiques n'arrêtent pas de révéler les exploits fantastiques et les capacités formidables de ces animaux.

Chaque espèce d'oiseau a son propre parcours (voir illustration), ses propres dates de départ et d'arrivée, son propre mode de déplacement (faire de nombreuses petites étapes ou aller le plus vite et le plus loin possible en ne s'arrêtant presque pas) et ses propres habitudes (voler seul ou en groupe).

Les Oies à tête barrées franchissent l'Himalaya deux fois par ans et vont pour cela jusqu'à 9000 mètres d'altitude ! La Sterne arctique, un oiseau d'environ 100 grammes, fait chaque année l'aller-retour entre l'arctique et l'antarctique (environ 20 000 kilomètres) pour ne jamais rencontrer l'hiver !

Que dire de l'exploit du " Phragmite des joncs ", qui peut franchir 4000 kilomètres sans escale ? Il ne pèse plus que 9 grammes à l'arrivée alors qu'il en pesait 23 au départ !

D'autres petits migrateurs peuvent voler pendant 75 heures d'affilée à 1000 mètres d'altitude pour traverser la Méditerranée ou le Sahara ! C'est l'un de ceux-là qui a fait une brève escale à bord de l'Alcyon, pendant sa traversée de la Méditerranée :

22 mars 2005
(...) A l'arrière, un petit point ailé sur la mer se rapproche d'Alcyon. Il lutte contre le vent, recule de quelques mètres, puis rattrape le bateau et se pose sur la filière, essoufflé, à quelques centimètres de la barre. Pas de doute : un Pouillot véloce, en pleine migration, qui remonte vers l'Europe centrale pour nicher. Peu craintif, il sautille ensuite sur le pont, se perche sur les haubans et finit même par inspecter la cabine ! Il repart après quelques minutes vers le large, plein Nord. Un Pouillot véloce. Il y en a un qui niche dans mon jardin. Je le reconnais à son zilp-talp répété et métallique. La prochaine fois que je le verrai chanter du haut de son buisson, je crois que je penserai à la mer, au large, aux tempêtes qu'il a endurées et à tout ce trajet. Et aussi aux Berbères qu'il a dû rencontrer dans les oasis marocaines, aux pêcheurs sur les bateaux desquels il s'est posé(...).

Facile, la migration ?

Beaucoup souhaiteraient pouvoir faire comme les oiseaux : vivre un éternel été. Mais la migration n'est pas forcément une partie de plaisir.

La cause première de ces longs voyages est la recherche de nourriture. Mais comment décident-ils qu'il est temps de partir ?

Ce n'est pas le manque de nourriture qui les pousse, car les oiseaux partent bien avant de ne plus rien avoir à se mettre " sous le bec ". En fait, il semblerait que ce soit la longueur des jours et la température qui influencent sur les hormones des oiseaux. Ainsi, au printemps, ils " sentent " qu'il est temps de partir vers leur aire de reproduction. Dès lors, les oiseaux vont se préparer à la migration : il vont emmagasiner du " carburant " pour pouvoir tenir tout le voyage. En fait, pendant environ deux semaines, ils vont manger beaucoup plus et leur corps, grâce aux modifications hormonales, va stocker ces réserves beaucoup plus facilement que d'habitude, principalement sous forme de graisses. Par exemple, le petit " Phragmite des joncs " dont nous parlions plus tôt pèse normalement 10 à 12 grammes. Avant de partir, il va doubler de poids !

Certains oiseaux, qui vivent normalement le jour, vont être pris d'une excitation incontrôlée et resteront actifs également pendant la nuit : cela leur permet, pendant le voyage, de manger la nuit et de voyager le jour.

Bien des dangers guettent les oiseaux pendant leur voyage : les tempêtes, les prédateurs, la disparition de leurs " étapes " habituelles où ils trouvaient repos et nourriture, etc. 20 à 30 % seulement des jeunes passereaux survivent à leur premier voyage migratoire. Quant aux adultes, seulement la moitié reviendront l'année suivante.

Comment font-ils pour se diriger ?

Voilà une question qui continue de passionner bien des scientifiques. Il a été démontré que les oiseaux s'orientent à l'aide de plusieurs "outils".

Ils peuvent utiliser le soleil, par exemple, ce qui signifie qu'ils " savent ", à tous moments de la journée, l'heure qu'il est, de manière à s'orienter en fonction de la position du soleil. Ils sont également sensibles aux rayons ultraviolets du soleil, qui passent à travers les nuages mais sont invisibles pour les humains. Même les oiseaux nocturnes utilisent la position du soleil, quand il se couche, pour s'orienter.

Les oiseaux qui volent la nuit s'orientent également grâce aux étoiles. Cela a pu être prouvé en mettant des oiseaux dans un planétarium et en changeant la position des étoiles.

Ils utilisent aussi le champ magnétique terrestre (les pôles magnétiques au nord et au sud). Certains oiseaux, comme les pigeons ont en effet, dans leur cerveau, une toute petite zone en magnétite (pierre aimantée), comme une petite boussole. Mais d'autres scientifiques pensent que c'est dans leurs yeux que certains oiseaux ont un système qui leur indique où est le nord magnétique...

Enfin, bien sûr, les oiseaux s'orientent aussi par leur connaissance du terrain : ils peuvent suivre des rivières, des vallées ou des routes, ou encore se repérer à certains pics montagneux.

D'autres pistes encore restent à explorer. Ainsi il semblerait que certains oiseaux se dirigeraient également avec leur odorat...

Une expérience pour sauver les oies naines : apprendre une nouvelle route de migration à des oiseaux

Les oiseaux qui migrent seuls connaissent " d'instinct " le trajet. D'autres, qui voyagent en groupe, doivent l'apprendre avec leurs parents, pendant leur premier voyage. C'est le cas des oies, des grues et des cygnes.

Ce fait, ainsi que plusieurs autres sans lien apparent entre eux, ont permis à Christian Moullec, météorologue, ornithologue et pilote français, de mettre sur pied un incroyable projet : apprendre à des oies un nouveau chemin de migration.

  • Le premier fait est que Konrad Lorenz a découvert dans les années 30 que si l'on est présent pendant l'incubation d'oeufs d'oies, ainsi qu'au moment de l'éclosion, ces oisillons vous prennent pour leur " père adoptif " et vous suivent partout.
  • Deuxièmement, dans les années 80, Bill Lischmann a réussi à voler avec des oies en migration grâce à son ULM.
  • Et enfin le fait que les Oies naines, qui nichent au nord de l'Europe (à l'origine dans toute la Scandinavie, mais actuellement seulement en Laponie) sont en voie de disparition, principalement à cause du braconnage dont elles sont victimes dans leurs quartiers d'hiver, vers la mer Noire et la mer Caspienne.

En 1999, Christian Moullec " élève " une trentaine d'oeufs d'Oies naines en Suède, dans le but de leur " apprendre " à vivre dans de nouveaux endroits au climat similaire à leurs milieux naturels : le but était qu'elles passent l'été dans une réserve suédoise, et l'hiver dans une réserve allemande, loin des braconniers. Pour le voyage, il a été obligé de prendre un ULM à deux places car les oies refusaient de suivre l'ULM si sa femme, qui avait été plus présente que lui auprès des oies quand elles apprenaient à voler, n'était pas à bord !

En automne, le couple et les oiseaux ont parcouru 1800 kilomètres (dont 900 au dessus de la mer baltique) jusqu'à la réserve naturelle en Allemagne, dans la vallée du Rhin. L'expérience a réussi : les oiseaux sont revenus seuls au printemps suivant à la réserve suédoise.

Christian Moullec vient de se lancer dans la seconde partie du projet : avec l'aide de nombreux pilotes allemands, il va recommencer l'expérience, avec un bien plus grand nombre d'oies, afin de tenter de sauver cette espèce en voie de disparition.

International Polar Foundation

Si vous aimez ce site Internet, en voici 3 autres à consulter: PolarFoundation, SciencePoles, ExploraPoles

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